AMOR IDRISS DOKMAN. Artiste plasticien
AMOR IDRISS DOKMAN. Artiste plasticien
Ses toiles sont des geysers de couleurs. Une palette chamarrée. Masques, gravures rupestres, silhouettes, visages, arbres, danses, formes géométriques, entrelacs colorés…Originaire de la ville de Boussaâda, Amor Idriss a vu le jour à Alger, en 1964. Pendant une dizaine d’années, ce plasticien a enseigné l’art plastique dans un collège de la Casbah. Amor Idriss Dokman a signé une kyrielle d’expositions en Algérie et sous d’autres cieux. Découverte.
Artissimo : Qu’est ce qui a contribué à mettre de l’art dans votre vie ?
Amor Idriss Dokman : Sans doute ai-je été influencé par mon grand frère, qui avait un bon coup de crayon et aussi par ma sœur couturière-modéliste. Enfant, je les regardais faire avec fascination en essayant de les imiter. En première année primaire, je suis tombé amoureux de mon institutrice. Elle était si belle ! Je m’appliquais à dessiner ses grands yeux sur des feuilles de papier. J’étais tellement doué en dessin, que j’obtenais toujours les meilleures notes. Mes camarades me filaient leur cahier de récitation et d’histoire -géo pour leurs illustrations.
A : Mais comment avez-vous mis le pied à l’étrier ?
A D : Après le bac, j’ai passé avec succès le concours d’entrée à l’Ecole supérieure des beaux -arts d’Alger. J’ai suivi les cours pendant un an et demi avant de jeter l’éponge, stoppé dans mon élan par mes parents qui martelaient que l’art ne nourrissait pas son homme. J’ai alors suivi une formation dans le secteur du paramédical. Des études couronnées par un diplôme de technicien supérieur de la santé. Tout au long de ce parcours, je n’ai jamais raccroché avec l’art. J’ai suivi des petites formations par- ci par- là dans des écoles privées. C’est ainsi que j’ai décroché mon diplôme de professeur en éducation artistique qui m’a conduit à enseigner les arts plastiques pendant une dizaine d’années, dans un collège de la Casbah pendant les années 90.
A : Comment avez-vous effectué vos premiers pas d’artiste plasticien ?
A D : Par le commencement : dessin, crayon, fusain… Puis j’ai acquis les techniques de reproduction. En 1995, j’ai participé à ma première exposition. J’avais exposé une série de toiles reproduites et une autre collection inédite. Des connaisseurs m’ont encouragé à puiser dans mon inspiration pour réaliser des œuvres personnelles. J’ai alors refermé la parenthèse des copies pour explorer mon propre univers et le faire rejaillir via des œuvres picturales.
A : Quelle est votre source d’inspiration ?
A D : Je peins mon environnement, mon vécu, mon quotidien. Tout ce que je vois autour de moi. Aussi bien les belles choses que les choses tristes ou laides.
A : Vous utilisez beaucoup d’objets de récupération dans votre travail
A D : Oui… D’ailleurs la première toile que j’ai vendue avait été réalisée avec de vieux torchons appartenant à ma mère. Dans l’histoire de l’art, de nombreux artistes, notamment à partir de la seconde guerre mondiale, ont travaillé avec de la récupération. Je continue à inclure dans mon travail toutes sortes d’objets : verres, plastique, tissus, débris de pare- brise, carton, papier, bois, verre…J’aime jouer avec les textures et varier les matériaux.
A : D’ailleurs l’une de vos expositions avait été réalisée avec des cravates d’occasion.
A D : Dans un souk à El Harrach, j’avais acheté 1035 cravates colorées. Je les ai ensuite cousues sur des toiles. Ça a donné une collection originale baptisée ‘ Métamorphoses’. Ces tableaux ont eu beaucoup de succès auprès du public.
A : Vos toiles sont très colorées. Pourquoi ?
A D : Je vis dans un pays très ensoleillé avec une luminosité incroyable. Je revendique mon côté africain qui suinte dans mes œuvres. Pour moi, la couleur est un mode d’expression. Je peux évoquer des sujets difficiles ou douloureux en mettant de la couleur dans mon travail.
A : Justement votre dernière collection est dédiée à l’Afrique.
A D : Je l’ai intitulée ‘Algérie, la porte de l’Afrique. Elle résulte d’un travail de recherche sur les bijoux africains, les masques, les gravures rupestres du Tassili N’Ajjer…Ces toiles n’attendent plus qu’un espace pour les abriter. Mission ardue en Algérie. La plupart des artistes ont du mal à trouver des galeries ou exposer leurs œuvres.
A : Qu’est ce qu’Artissimo symbolise pour vous ?
A D : Merci à cette école d’art d’exister. Des établissements de cet acabit sont tellement rares en Algérie. J’applaudis des deux mains l’initiative de Zafira. Une école qui enseigne l’art aux enfants et qui leur ouvre les yeux sur l’aspect esthétique de la vie, c’est magique. Surtout quand on sait que les enfants sont l’avenir d’un pays !
Katia Sabri