Gerard Mayen et Eric Bijon « Il y a toujours un peu de soi lorsqu’on écrit »
Gerard Mayen et Eric Bijon « Il y a toujours un peu de soi lorsqu’on écrit »
Gerard Mayen et Eric Bijon
« Il y a toujours un peu de soi lorsqu’on écrit »
Gérard Mayen est auteur-compositeur-interprète. Il dirige le projet Motszique avec Eric Bijon, musicien, et deux autres artistes. Ils nous racontent la naissance de l’atelier et nous livrent leur approche pour aider les participants à écrire des chansons, en puisant en eux les ressources inépuisables de l’émotion.
Pouvez-vous nous résumer le concept en quelques mots ?
Gérard Mayen : Le concept de Motszique qui s’écrit en un seul mot et compte deux termes, c’est vraiment mettre ensemble des mots et de la musique pour créer des chansons. Nous le faisons dans un cadre international pour la promotion de la francophonie, pour permettre en principe à des enseignants de développer une approche pédagogique en utilisant la chanson, mais aussi avec d’autres groupes, comme ici à Alger, avec des personnes qui n’ont pas spécialement de pré-requis. Après une semaine de travail, les participants sont capables de créer des chansons.
Comment et quand est né Motszique ?
Gérard Mayen : Très bonne question ! L’idée de départ était de partager l’envie d’écrire et l’envie de chanter. De là, je me suis dis, pourquoi ne pas aller plus loin ! Nous voulions donc travailler avec de jeunes poètes et des jeunes musiciens pour, les faire travailler ensemble. Nous n’avons jamais eu l’occasion de le faire sous cette forme là, c’est peut être trop compliqué. Nous avons donc combiné l’approche commune entre les mots et la musique pour en faire cet atelier et nous l’avons amélioré au fur et à mesure.
Motszique est né en 2009, à Rabat au Maroc. Nous sommes partis un peu à l’abordage, nous avions écrit beaucoup de chose mais nous ne savions pas comment ça allaient se passer. L’atelier s’est réalisé avec des femmes enseignantes. Six mois plus tard, le projet a débouché sur une représentation à la Bibliothèque Royale de Rabat. C’était un moment fort en émotions et en écriture : ces femmes qui, pour la plupart n’étaient jamais rentré dans une salle de spectacle, étaient assises au premier rang et écoutaient leurs textes devenir des chansons… nous étions quatre sur scène à jouer et interpréter les morceaux. C’était l’un des plus beaux moments que nous avons eu.
Elles n’ont pas interprété leurs chansons ?
Gérard Mayen : Non, en fait, tout le monde ne va pas forcément chanter, la priorité reste l’écriture, puis la présentation des textes sur scène. Certains vont juste les lire, ou pas. Si non, nous sommes là pour les interpréter.
Et pour revenir à Motszique phase 2 à Alger, quel en est l’objectif ?
Gérard Mayen : L’idée dans cette deuxième phase est d’aller vers un niveau de professionnalisation sur scène. Les participants vont apprendre comment on se prépare, comment on joue… Le groupe a un peu changé, certains ne pouvaient pas poursuivre pour des impératifs professionnels ou parce qu’ils sont étudiants, donc il y a des nouveaux avec qui nous allons travailler, monter quelque chose en une semaine.
Vous avez gardé le contact avec les participants entre les deux ateliers ?
Gérard Mayen : Evidemment, nous les avons même incité à se voir entre eux, à continuer à travailler et à échanger. Et nous utilisons ce qu’ils ont fait pendant cette deuxième phase.
Quels sont les autres villes qui ont accueillis Motszique ?
Gérard Mayen : En dehors de Rabat et d’Alger, nous avons eu à travailler en Saone-et-Loire où une salle de spectacle nous avait invité. Il se trouve que cette salle est jumelée avec un bâtiment d’accueil pour personnes âgées, une porte les sépare ! Nous avons donc animé un atelier avec les résidents de l’hospice et des élèves d’une école autour du transfert de la mémoire et de l’intergénérationnel. Le spectacle s’appelle méli-mélo dits, il se base sur des comptines écrites par les enfants et des histoires de vie collectées auprès des anciens. Accompagnés d’un orchestre de jeunes musiciens, les enfants déroulaient les couleurs de l’arc en ciel pour créer un « passage » entre les nouveaux et les anciens. Nous en avons fait un film, et nous préparons un livre avec DVD et CD pour 2014.
Eric a de son côté travaillé dans une unité de maternité qui accueille des mamans en difficulté.
Eric Bijon: Il s’agissait de faire travailler ces mamans sur des comptines qu’elles écrivent pour leurs bébés. C’était très émouvant et très utiles pour elles.
Gérard Mayen : Nous avons également travaillé sur d’autres projets qui ne portent pas spécialement le label Motszique mais qui partent toujours du même principe. Et nous avons eu des contacts à Madagascar où nous espérons également animer un atelier Motszique prochainement.
Est-ce que vous avez un secret pour faire écrire les participants ?
Gérard Mayen : Il n’y a pas de secret, nous sommes juste à leur écoute, nous les mettons en confiance. Nous les aidons à découvrir le potentiel d’écriture qui est en eux et nous les motivons beaucoup.
Eric Bijon : Il y a un coté émotionnel lorsqu’on écrit, il y a toujours un peu de soi, de sa propre histoire. Le fait d’être là, de les accompagner et de les écouter, ils arrivent à transcender leurs blocages et à aligner de belles choses sur papier.
Certains nous disaient qu’ils sont incapables d’écrire, ils repartaient avec un cahier noir d’écriture et ils ne pouvaient plus s’arrêter d’écrire !
C’est beaucoup de rigueur sur un temps assez limité. Nous savons dès le premier jour qui va rester et qui ne reviendra pas. Mais généralement, ils sont très nombreux à rester ! Et ce qui est formidable c’est que certains reproduisent ce qu’ils ont apprit pendant l’atelier dans leurs classes d’école, l’objectif est atteint !