Samir Toumi
Samir Toumi
Après des études d’ingénieur à l’Ecole Nationale Polytechnique d’El Harrach puis à l’Ecole des Mines de Nancy, Samir Toumi fonde sa propre entreprise de consulting dans le domaine des ressources humaines, au cœur d’Alger centre (Square Port Said). Amoureux des arts, ce journaliste, chroniqueur et écrivain a créé au sein même de sa société, ‘La Baignoire’ : un espace à détourner pour la cohabitation de deux mondes qui habituellement se tournent le dos : l’art et l’entreprise. ‘La Baignoire’ abrite régulièrement des événements culturels : expositions photos et peinture, installations, ateliers de lecture… Rencontre
Artissimo : Comment vous est venue l’idée de créer ‘La Baignoire’ ?
Samir Toumi : ‘La Baignoire’ n’est ni une galerie d’art ni un lieu culturel. C’est un concept d’espace partagé qui propose au monde de l’entreprise de coexister avec la sphère culturelle dans divers modes d’expression : photos, peinture, installation, lecture… ‘La Baignoire’ est un espace de partage qui aide à révéler de jeunes talents dans le domaine de l’art contemporain Made in Algeria.
A : La Baignoire a abrité les expos de jeunes pépites. Comment s’effectue votre choix ?
S T : Je fonctionne au feeling et au coup de cœur. Je suis tout d’abord un amoureux de l’art contemporain. J’achète pas mal d’œuvres dont certaines ornent les murs de ma société. Je mets en lumière des artistes de la scène artistique de l’art contemporain, qui commencent à gagner en visibilité à l’international mais qui sont ignorés par les organismes culturels institutionnels de notre pays à l’exemple du photographe OussamaTabti dont une œuvre se trouve dans un musée de Barcelone, Yasser Ameur’ L’homme jaune’, Walid Bouchouchi, Mahdi Bardi Djellil, Mourad Krineh … Tous ces jeunes talents se sont détachés de l’institutionnel parce qu’ils n’ont pas trouvé d’interlocuteur.
A : Vous êtes en faveur du déplacement des expositions dans des espaces alternatifs, loin des sacro- saints musées.
S T : Traditionnellement les œuvres sont exposées dans un musée ou une galerie. Je ne sais plus qui a dit : « Les musées et les galeries sont les cimetières des œuvres ». L’alternatif consiste justement à occuper un espace public : rue, placette, jardin, marché désaffecté, entreprise …En un mot, un lieu dont ce n’est pas la première vocation.
A : De plus en plus d’artistes de la jeune scène sont à la recherche d’espaces décalés pour exposer leurs œuvres. Pourquoi à votre avis ?
S T : D’abord, il y a un déficit criard en matière de galeries dans la capitale. Par ailleurs, les artistes de la nouvelle génération ne se retrouvent pas du tout dans la culture institutionnelle.
A : Samir, si vous étiez un tableau, lequel seriez vous ?
S T: ‘ L’infante Ines’ de Diego Velasquez, un peintre baroque du 17 e siècle. Ses portraits me remuent les tripes et en particulier ‘L’infante Ines’ que j’ai découvert durant mon enfance. Deux autres peintres, de la même lignée, me touchent : Lucian Freud et Balthus. Tous ces peintres ont un dénominateur commun. Ils ont su, à travers leurs portraits, capter toute la complexité de l’âme humaine. C’est assez violent parfois mais tellement beau !
A : Vous avez été à l’origine de la délocalisation de la 3 eme édition de ‘ Picturie Générale’ dans un espace alternatif : la friche Volta. Rappelons que la première édition a été organisée à Artissimo.
S T : Oui. Ce supermarché désaffecté (ex -Souk El Fellah) de la rue Volta appartient à un chef d’entreprise. Je lui ai parlé du désir de 23 jeunes d’exposer leurs œuvres et de leur difficulté à trouver un lieu alternatif. Il a donné son aval. Cette friche abritera d’autres événements culturels.
A : Des projets en cours de réalisation ?
S T : Mon deuxième roman à publier, après le premier ‘Alger le Cri’ et d’autres expositions à organiser à ‘La Baignoire’ dont celle de photos inédites sur des lieux de détentions en Algérie. Mais chut ! Je n’en dirai pas plus !
A : Samir, vous souvenez vous de la premier fois où vous avez foulé le sol d’Artissimo ?
S T : Absolument ! C’était en 2005. Je venais m’inscrire à la chorale de cet établissement. Deux choses sont restées gravées dans mes souvenirs. Le sourire resplendissant de Zafira, la directrice d’Artissimo et la beauté de ce grand appartement. J’ai trouvé cela génial. Cette impression est toujours présente chaque fois que je me rends à Artissimo. Et je trouve que la démarche de Zaphira est courageuse. C’est un combat au quotidien de faire vivre un espace culturel pareil.
A : Un autre souvenir peut- être ?
S T : Les fous rires et la bonne ambiance qui régnaient durant les cours de chorale, sous la houlette de Djamel Ghazi. Il nous apprenait à chanter. Nous préparions les spectacles de fin d’année avec beaucoup d’effervescence. On a même chanté dans une ambassade ! Toute une époque ! Inoubliable et heureuse !
Katia Sabri